Anthony Asquith

Anthony Asquith
Anthony Asquith

Londres, Août 1929. De la Tamise, qui passe sous les fenêtres de mon hôtel, monte un brouillard léger. Les innombrables courants d’air anglais le font pénétrer jusqu’au salon où je me trouve, j’en suis entourée, l’âme du pays me possède.

Au moment où je fais cette constatation, on m’annonce la visite de M. Anthony Asquith, metteur en scène et fils du célèbre premier ministre. Anthony Asquith entre, léger et mobile comme un feu follet dont il a la couleur. Lui aussi fait certainement partie de l’âme du pays!

Anthony Asquith est jeune, ça ne l’empêchera pas de devenir rapidement un des chefs du cinéma anglais! Sous l’empire, les généraux avaient vingt-cinq ans et savaient se tenir sur des chevaux  qui n’étaient pas de bois. Il faut de la jeunesse pour faire des bêtises, c’est entendu, mais il en faut aussi pour risquer de grandes choses. C’est pourquoi j’avais si envie de mesurer la réaction d’un jeune devant ce casse-cou qu’est le film parlant.

— Le film parlant, me dit Anthony Asquith. Ah! si l’on voulait n’y pas trop parler! Si le mot n’y arrivait que pour ajouter son poids à une situation tendue et se fondre ensuite dans l’atmosphère qu’il a bouleversée!

Est-ce qu’un poète chez nous, n’a pas déjà dit ça, « un mot définitif qui a son prolongement dans le silence »! Aussi bien, Anthony Asquith a un peu l’aire d’un poète. Il en a aussi l’enthousiasme. Tout ce qu’il exprime avec sa parole nerveuse, ses gestes rapides, trahit, lorsqu’il s’agit du cinéma, une exaltation secrète. Il possède le métier, et le métier le possède, c’est le plus grand éloge qu’on puisse faire d’un metteur an scène.

Dés le collège, Anthony Asquith a pensé au cinéma. Quittant Oxford et se rendant à Washington, où se trouve sa sœur, il n’hésite pas à pousser jusqu’à Hollywood, c’est-à-dire à faire cinq jours de chemin de fer, « pour voir ».

La cité américaine du cinéma ne lui plaît pas, on y travaille trop en série, par tranches; Anthony Asquith ne comprend que l’œuvre homogène imprégnée d’un seule personnalité. Point de collaboration dans le travail, le scénario, le découpage et le montage uniquement faits par le metteur en scène. C’est le contraire de la théorie américaine. Anthony Asquith secoue donc la poussière de ses sandales sur le seuil d’Hollywood et revient en Angleterre, où, après avoir fait ses débuts comme assistant de M. Sinclair Hill, il entre à la British Instructional, dirigée par M. Woolfe, et commence son premier film, Shooting Stars, d’après un scénario de lui.

Il y révèle immédiatement un sens aigu du rythme, un goût marqué pour l’image originale, et on lui confie un second film, Underground, Un cri dans le métro, toujours d’après un scénario de lui, où il commence à s’apparenter à l’école impressioniste allemande. Anthony Asquith est, en affect, fort bien compris à Berlin, puisqu’il va ensuite y tourner la Princesse Priscilla, et c’est encore une combinaison allemande qu’il vient de produire A Cottage on Dartmoor, son premier film sonore et parlant.

Anthony Asquith m’a emmenée à Welwyn Garden City, aux studios de la British Instructional (qui s’équipe actuellement avec le procédé allemand Tobis pour faire du film parlant), et j’ai vu le Cottage on Dartmoor. Le scénario, fait par Anthony Asquith, est conçu de telle façon que la plus grande partie du film est simplement sonore, et que la parole n’arrive que pendant peu d’instants et d’une façon tout à fait originale pour révéler l’état d’âme des héros. Il y a malheureusement encore, dans la partie muette, des sous titres (c’est la formule appliquée jusqu’ici dans la plupart des films américains et qu’il faut supprimer), mais Anthony Asquith marque, dans cette œuvre, un sens du dramatique, une recherche de l’effet de lumière, de la rapidité du mouvement et du choc des impressions, qui dénotent un véritable tempérament. Je l’ai dit déjà, Anthony Asquith va conquérir très vite les feuilles de chêne! Cela ne lui ôte rien de cette modestie, de cet enthousiasme juvénile qui font son charme. Il ne cache pas son anxiété de savoir ce que je pense du Cottage on Dartmoor, ni sa joie quand je lui en dis… ma foi, beaucoup de bien, et nous visitons le grand studio de la British Instructional, tout en discutant sur le compte du film parlant, dont il va devenir un des temples.

Anthony Asquith a le courage de m’avouer que, pour le moment, il n’aime pas le film parlant.

— Eh bien! dis-je, vous n’êtes pas le seul, car j’ai constaté que le fameux succès des talkies, à Londres, se borne à un succès de curiosité. Tout le monde va les voir, mais tout le monde en dit grand mal!

— C’est que le public sent que la chose n’est pas au point. L’œil enregistre plus rapidement que l’oreille, et tout le rythme des nouveaux films en est changé… alourdi. Et puis, il y a de ces voix américaines qui nous mettent les nerfs en boule…

Nous déjeunons maintenant dans la charmante petite salle à manger réservée aux directeurs et aux metteurs en scène, et la discussion continue avec quatre autres Directors (qui, tou, on fait la même petite moue quand j’ai posé mon éternelle question) et cette discussion me prouve que, comme Anthony Asquith, chacun se tient là-bas dans une grande réserve sur le sujet brûlant.

Je mets alors, moi aussi, mon petit grain de sel:

— Figurez-vous, dis-je, que, dégoûtée de tous les talkies, j’ai été voir, hier soir, un film muet. Il faut croire que nous évoluons plus vite que nous ne le croyons, car j’ai eu l’impression atroce qu’ayant quitté la veille un jeune homme, je le retrouvais, ce soir-là, grand-père! La convention qu’on nous impose depuis tant d’années de ces lèvres qui remuent sans rien dire, m’a semblé navrante; j’ai senti, pour la première fois, tout le ridicule. Le film parlant, que je n’aime pas, tuait, pour moi, le film muet… Vous voyez la tragédie.

Le sourire d’Anthony Asquith, son petit sourire ironique et plein d’espoir, me montra que le cas n’est point si grave.

— Il faut fair du film parlant et chercher, voilà tout, conclut-il en souriant!

Anthony Asquith cherchera et trouvera.

J. Bruno-Ruby
(Ciné-Miroir)

A Cottage on Dartmoor Anthony Asquith DVD BFI
A Cottage on Dartmoor, Anthony Asquith DVD (BFI National Archive)

Al Jolson répond à Charlot

Al Jolson and David Lee The Singing Fool
Al Jolson et David Lee dans “The Singing Fool”

Dans une enquête lancée dans les journaux d’Amérique au sujet des douze personnalités les plus marquantes de l’époque, Charlie Chaplin avait fait suivre le nom d’Al Jolson de cette réflexion: « Il est indubitable que c’est à son talent que nous sommes redevables de l’inondation de détestables talkies que nous subissons en ce moment ».

C’est à cette appréciation qu’Al Jolson répond dans l’article ci-dessous:

« Si Charlie ne fait pas de talkies, il ne fera plus rien du tout ». M. Jolson bondit du divan de cuir rouge et se mit à marcher de long en large. « C’est une erreur de croire que les films parlants vont ruiner l’art de la pantomime ». Les mots se bousculaient sur ses lèvres: « Tenez, dans certaines pièces, il y a des moments où la pantomime est indispensable; il en sera de même avec les talkies. Si Charlie tient à garder ce qu’il appelle “la grande beauté du silence”, il ne lui reste qu’à s’enfermer dans une cellule de moine ou se faire ermite! “La grande beauté du silence”, en vérité! J’étais à une réunion l’autre soir, de huit heures et demie à cinq heures du matin, Charlie a parlé et chanté sans arrêt! C’est vous dire que notre ami sait parfaitement se servir de sa voix pour distraire son public, et je suis certain que, s’il se décide à faire des talkies, son succès sera plus grand encore qu’il ne l’a été dans les films muets.

Charlie est un grand acteur. Pourquoi hésiterait-il à devenir plus grand en faisant ce que le public attend de lui? La vérité est.je crois, qu’il ne veut pas être lié aux Warner Brothers, parce qu’il appartient aux United Artists, mais il sera bien forcé de reconnaître que les Warner sont, financièrement, la compagnie la plus importante aujourd’hui parce qu’ils donnent au public ce que ce dernier réclame: des talkies.

Charlie a tort de dire si haut qu’il déteste les films parlants, car il sera bien obligé d’y venir comme les autres, sous peine de se voir délaissé par ses anciens admirateurs. Il est assez naturel que ses succès anciens et présents dans le film muet ne pouvaient que lui faire redouter de se hasarder dans un domaine qui lui est inconnu et il se peut aussi qu’il ait craint que sa voix, ainsi que sa façon de s’exprimer, ne fussent trop raffinées pour s’harmoniser avec l’inoubliable silhouette de vagabond qu’il avait créé ».

Saisissant au vol une seconde de silence: « Et vous, monsieur Jolson, pourquoi aimes-vous tant les talkies? ».

« A mon avis, une seule raison suffit à prouver que les talkies sont intéressants. C’est que le publique va plus voir les films muets. Voilà la vraie réponse. Lorsque Charlie parle de la beauté et des jolies filles qui sont, dit-il, la clé de voûte du cinéma, je réponds: et vos propres films? Est-ce vraiment la beauté de vos stars qui en a fait le prodigieux succès? Non. C’est vous-même, votre étonnante personnalité, toutes ces nuances imperceptibles de votre physionomie qui rendaient tout le comique douloureux de la vie. La parole ne fera qu’augmenter votre emprise sur le public.

Et voici mon message à Charlie, continua M. Jolson, avec un certain lyrisme: Harold Lloyd va faire des films parlants: vous aussi, Charlie, vous en ferez. Ne dites pas non, je sais que vous y viendrez et, si vous n’en avez pas encore fait, c’est que vous êtes timoré et que vous craignez de ne pas réussir ».

A ce moment, la porte s’ouvrit et une tête de jeune homme s’insinua dans l’ouverture. « Monsieur Jolson, nous allons passer quelques scènes, si vous voulez venir? ».

M. Jolson m’entraîna rapidement. « Venez, vous allez voir quelques passages de mon dernier film, Little Pal » me dit-il.

Les lumières s’éteignirent et sur l’écran l’image se précisa. David Lee était immobile sur le sol. Il venait d’être renversé par un camion. Une foule de figurants l’entouraient, répétant: « Il est blessé, pauvre petit, il est blessé ». Soudain, Al se précipita, bousculant tout le monde: « Mon enfant! » et avec un cri déchirant: « Mon petit garçon! Ils l’ont tue! Oh! my Little Pal! ». Ceci continua une dizaine de minutes.

Lorsque ce fut terminé, M. Jolson admit confidentiellement: « Il faudra que je parle plus doucement. C’est exagéré, n’est-ce pas? Oui, évidemment, c’est exagéré. Croiriez-vous que j’ai crié cette phrase plus de soixante-dix fois avant de trouver l’intonation juste? A la fin, cela tournait à l’hystérie et le directeur lui-même était impuissant à m’arrêter. Je continuais à crier. Cependant, ne jugez pas le film sur ces bribes un peu décousues. Vous verrez que, lorsqu’il sera donné dans une salle, l’attendrissement sera général, car le public adore cette sorte d’histoire. Nous sommes obligés d’amplifier, de grossir un peu tout ce que nous faisons pour les talkies et, à un point de vue purement intellectuel, je ne puis guère considérer cela comme un progrès. Mais, que voulez-vous, le succès peut seul justifier nos efforts.

Je n’ai pas besoin de vous dire que, dans la vie réelle, les bons petits garçons ne passent pas leur temps sur les genoux de leurs mères et que la plupart des mamans, bien loin d’avoir les mains abîmées par le travail, sortent tous les soirs avec un cavalier pour aller danser, mais le public demande qu’on lui montre la vie comme il aimerait qu’elle fût et non comme elle est réellement ».

è dimostrato

Sole 1929
Una scena del film Sole (1929), foto Bragaglia, luci Giuseppe Caracciolo

Non ho disertato queste colonne.

Ho semplicemente dedicato tutta la mia attività alla completa e concreta dimostrazione delle possibilità dei nuovi e dei giovani.

E, ad onore dei miei e dei nostri nemici, debbo dichiarare che il compiere ed il vincere non è stata cosa comoda né semplice.

Non per le prevedute difficoltà materiali della lavorazione o per l’inesperienza degli elementi; ché, anzi, tutti i miei collaboratori mi hanno quotidianamente ed ininterrottamente facilitato anziché ostacolato il lavoro.

Non perché non abbiamo artisti o non abbiamo tecnici, insomma, il vincere ed il compiere è stata fatica che Sisifo sarebbe orgoglioso di elencare fra le sue.

Ma perché…

Beh! il perché adesso  sarebbe lungo esporre. Lo si dirà però in sede acconcia; e con tutti i punti e le virgole..

Oggi Sole è compiuto.

Sul valore artistico ed industriale dell’opera io son l’unico che non può giudicare. O, meglio, che non può affermare, annunziare, proclamare.

Potrò discutere se dovrà darsene l’occasione e se ne varrà la pena. Poi.

Ma quale che sia il valore del film una cosa è indubbiamente certa. Che Sole non può essere accusato di inesperienze e di impreparazioni.

Ed il primo documento compiuto e concreto è, così apprestato alla convinzione delle persone in buona fede.

Italiani, nuovi, giovani possono ottimamente fare del cinematografo come ne fanno stranieri esperti e consumati.

Fatto concreto questo, ormai, al quale Neroni e Simonelli hanno portato contributo parallelo al nostro con Maratona di cui si dice un gran bene.

Il maggiore o minore valore dei films così realizzati non dipende e discende che dal maggiore o minore valore intrinseco, congenito, immodificabile degli artisti come tali. Ma questo è per tutti i films e non soltanto per quello che la Augustus con audacia che non ha esempio nella storia dell’industria mondiale, ha compiuto in questi giorni.

Tutti gli sforzi erano diretti ad impedire che si completasse questa dimostrazione.

Ora la dimostrazione c’è.

E servirà al suo scopo.

Alessandro Blasetti
(cinematografo, Roma, 8 giugno 1929)