Che cosa è il Cinematografo?

Novissima Echo - Rivista Cinematografica, 4 maggio 1912

Un cinematografista francese interpellato su ciò che pensava dell’arte cinematografica, ha dato questa vivace, entusiastica e perspicace risposta:

Il cinematografo?… Ma è la sesta¹ fra le belle arti, un’arte che sarebbe ai primi passi. Una sesta arte che in questo momento, come la tragedia in Francia, ai tempi di Hardy, attendeva il suo Corneille, desiderava il suo autore classico per aprirle la via alla gloria.

Una sesta arte vivida per movimento, per varietà e per scena, dove ci è concesso, prendendo ogni quadro dei grandi pittori, di far discendere dalle loro cornici i loro eroi, di farli vivere come i loro creatori immaginarono, e poscia di far loro riprendere gli atteggiamenti immortali che il nostro sguardo conosce.

Una sesta arte dove palpitano le ali della vittoria di Samotracia, e dove Diana cacciatrice può uscire dal bosco creato dal pennello di Guyon

Una sesta arte che ci permette d’evocare, in pochi istanti, tutti i grandi avvenimenti della storia, ricavandone un immediato reale ammaestramento.

Una sesta arte, che nell’istante medesimo farà versare lacrime all’Arabo e all’Eschimese sotto l’impero dello stesso dolore, e che darà loro nello stesso istante la stessa lezione di coraggio o di bontà.

Una sesta arte infine che quando un artista geniale vorrà considerare ben altrimenti che come un facile passatempo, diffonderà la sua fede per il mondo meglio che il teatro o il libro.

Al cinematografo le lagrime, il riso, i tratti del viso, sono così chiaramente posti innanzi allo spettatore, che non è possibile resistere alla commozione; non è possibile forse leggere nel viso di Giulietta morente il verso del grande Shakespeare, e nella fronte pensosa di Dante qualche strofa della Divina Commedia?

Rinnovare l’arte cinematografica in un senso più grandioso e umano, evitando che le nuove forme siano di fronte alle attuali ciò che i frivoli romanzi di questi ultimi cinquant’anni sono stati di fronte alla letteratura; evitare le esagerazioni del sentimentalismo piagnucolone come la comicità meccanica che sembrano alla moda perché la vera via non è tracciata; non fare del teatro soprattutto, ma ricorrere all’allegoria e al simbolismo; pendere la parte essenziale di ogni forma di civiltà, e lo scenario che la caratterizza, abbracciare tuti i cieli di tutte le epoche allo scopo di preparare la venuta, lo ripeto, dell’autore classico del cinematografo che lo indirizzerà verso un’era novella, ecco alcuni dei miei grandi sogni…

È necessario dire pertanto che per giungere a questi prodigiosi risultati chiaramente intraveduti, sarei obbligato di essere commerciante e commerciale come gli altri (quale Wagner o quale Molière arricchirono i loro editori durante la loro vita?); è prossimo il giorno, io spero, ove le mie aspirazioni divenute tangibili, mostreranno ciò che è possibile attendersi da questa mirabile sintesi del movimento, dello spazio e del tempo.

Abel Gance
(Novissima Echo, Milano, 4 Maggio 1912) 

  1. Vedere la voce Classification des arts (Au XX° siècle 7e art: le cinéma) su Wikipédia.

La réalisation de Napoléon

Napoléon d'Abel Gance
Bonaparte fut immédiatement nommé chef du 2° régiment d’artillerie…

Avril 1926.

Après six mois d’interruption, l’œuvre gigantesque d’Abel Gance a enfin été remise sur pied. On sait que la faillite d’un des principaux participants avait suspendu complètement la prise de vues depuis juin dernier. Beaucoup étaient indécis et même inquiets sur la reprise de cette affaire, mais Abel Gance avait foi en son étoile et les événements lui ont donné raison. Une nouvelle Société s’est offerte pour commanditer le film Napoléon. Avec des  capitaux français cette fois, Gance va pouvoir créer ses images puissantes.

Depuis plusieurs mois déjà le studio de Billancourt est en pleine activité, et Napoléon poursuit sa réalisation.

Je ne ferai ici que citer quelques noms des principaux artistes que tournent actuellement:

D’abord Albert Dieudonné redevenu Bonaparte, un Bonaparte encore ignoré, un «ventre-creux», pauvre, maigre, figure impénétrable mais dont les yeux reflètent, sous la froideur du regard, l’éclair du génie et la volonté dominatrice.

Puis Philippe Hériat qui dans le rôle de Salicetti poursuit de sa haine jalouse le petit capitaine d’artillerie Bonaparte. Hériat est trop sympathique pour jouer les traîtres, mais il faut avouer qu’à l’écran il rend des figures avec un souci minutieux de la méchanceté humaine.

Un autre haine non moins farouche, et peut-être plus implacable, puisqu’elle suivra plusieurs générations, est celle de Pozzo di Borgo qu’incarne avec un tempérament digne du personnage M. Chakatouny. Cet artiste russe qui vient de terminer Michel Strogoff avec Tourjansky, met dans la création de ses rôles une vérité de sentiments qu’il serait difficile de surpasser. A la ville c’est l’homme le plus charmant qui soit.

Encore un traître… sympathique. C’est Daniel Mendaille dans le rôle de Fréron, cet infâme conventionnel qui ne reculait  pas devant les pires exactions par esprit de cruauté.

Puis Maxudian, un imposant Barras.

Armand Bernard, l’éternel comique, le Planchet des Trois Mousquetaires, silhouette une sentinelle cocasse à laquelle il apporte toute la sobriété de son talent.

Enfin le célèbre Koline qui est devenu Tristan Fleuri, le héros de la partie romanesque du film, celui qui fera rire et pleurer avec une égale émotion, dans un rôle de Violine est la fille de Tristan Fleuri et sœur de Marcellin, un petit bout d’homme de huit ans, un gavroche avant la lettre, comme dit Gance. Ce bambin (Serge Freddykarll) joue de façon remarquable et contribuera pour une bonne part au succès du film par sa grâce adorable et son minois charmant.

M. Gance ne néglige rien pour donner à ses interprètes l’ambiance de leurs rôles: musique, tambour, coups de feu, cris, rien n’y manque; tout est joué dans le mouvement voulu, et c’est vraiment émouvant d’assister à ces prises de vues d’une époque si tourmentée et si riche en belles images.

Au début du mois d’avril la troupe d’Abel Gance s’est rendue à Toulon pour la reconstitution du siège célèbre qui est la première grande victoire de Bonaparte, son premier pas dans la postérité.

Le film s’achèvera ensuite au studio dans la fièvre du bruit et la lumière aveuglante des lampes. Puis, vers la fin de l’automne, ce sera la sortie du film et… le succès, n’en doutons pas.

Stéphane Vernes

J’Accuse par Abel Gance

J'accuse (1919)
J’accuse (Abel Gance 1919)

Jean Giono dit dans son livre admirable, Refus d’obéissance: « Il n’y pas un seul instant de ma vie où je n’ai pensé a lutter contre la guerre depuis 1919. »

Je reprends à mon compte ces paroles, car elles expliquent et commentent mon film J’accuse. On se souvient qu’il y a près de vingt ans, j’avais déjà dressé un réquisitoire violent, avec une production muette du même titre, où je synthétisais l’horreur des heures tragiques que l’on venait de vivre, et l’espoir que plus jamais on ne reverrait une pareille hécatombe de corps et de cœurs.

Si, aujourd’hui, je retourne en parlant J’accuse, c’est que j’ai qualche chose à dire encore, ou plutôt je sens le besoin impératif de lancer un cri d’alarme au généreux peuple de France, et aux nations sur qui plane l’ombre d’une nouvelle tuerie.

Nous nous trouvons hélas! actuellement sur le même plan d’inquiétude que nous l’étions dans la période d’avant-guerre.

Plus de quatre années de morts et de deuils n’ont donc servi à rien?

La douleur physique des combattants des deux camps, et les souffrances morales de ceux et de celles qui sont demeurés à attendre sont-elles donc restées vaines et vides de sens?

Je n’ose répondre d’une façon catégorique, mais je suis obligé de constater qu’un vent de folie semble souffler encore sur le monde, et « l’on veut », pourquoi ne pas avoir le courage de l’écrire, « recommencer la guerre! »…

Chacun dans sa sphère doit, devant une menace qui intéresse « chacun de nous sans distinction de partis, ni d’idées », se lever, user tous ses moyens pour juguler et arrêter dans sa gestation une nouvelle monstruosité inhumaine.

Je reprends mes carnets de novembre 1918:

Les cimetières refusent du monde tous les soirs.
Premier acte: des ruines.
Deuxième actes: des ruines.
Troisième acte: des ruines…
Comme cela se ressemble, le malheur…
Plus une victoire est éblouissante, plus les ombres qu’elle projette sont énormes.
Que de morts dans l’ombre du soleil de Verdun!
Va-t-on « remettre ça »? Et ne se trouvera-t-il pas quelqu’un pour crier, pour hurler: « Haro sur la guerre »?…

Si j’ai pris, quant à moi, le cinéma comme moyen d’expression — qu’on ne s’y trompe pas — c’est uniquement parce qu’il est l’instrument de diffusion le plus propice à servir la cause éternelle de la Paix.

Mais qu’on me comprenne bien, J’accuse n’est pas un film dans l’acception habituelle du mot, je ne veux pas que le public se rende dans les salles pour  passer une heure, pour critiquer si l’interprète est jolie ou non, ce n’est pas une affaire commerciale, ce veut être une « œuvre humaine ».

Une œuvre humaine parce qu’il y a des êtres qui croient, qui souffrent, qui luttent, des hommes qui ont peur, d’autres qui bravent le danger dans une magnifique inconscience; il y a des héros et des pleutres, comme dans la vie.

J’accuse est le reflet d’une époque sanglante que tous les gens sensés ne veulent plus jamais revoir.

Mon film est un acte de foi!

Il ne peut être vrai que le sacrifice de millions d’êtres humains, dont les corps refroidis ne sont pas tous encore pourris, ait été vain.

Il ne peut être vrai que l’idéal pour lequel ils sont morts n’ait été qu’un immense duperie fardée de gloire.

Vous tous, morts de Verdun, et morts de l’Yser, morts de la Somme et de Champagne, morts des plaines boueuses et d’au delà des monts, morts tués en plein ciel, morts couchés au fond des Océans, morts noircis par les gaz, morts déchiquetés, morts dont le sang n’est pas encore sec, levez-vous, tous, et criez: « Assez! »

Assez, car on vous a juré, pour que vous acceptiez de mourir, que cette grande guerre des peuples serait la dernière.

Assez! si à vos enfants l’on a appris à oublier que c’est pour eux que vous avez crevé.

Assez! s’il n’a servi à rien que vingt hivers vous gèlent, si l’on se hait encore, si les champs qui vous couvrent ne connaissent plus la paix.

Debout les Morts!

Rompez votre silence!

Allez aux quatre coins du monde, et que votre voix glacée fasse tomber les armes, que les peuples prennent peur, s’ils ne savent plus aimer.

Abel Gance
(Cinémonde, 17 juin 1937)

Très préoccupé par les dangers de guerre qui menacent l’Europe, Abel Gance décide en 1937 de faire une nouvelle version, sonore, de J’accuse. Tourné de mai à août 1937, le film est présenté en janvier 1938, provocant des réactions diverses; selon Emile Vuillermoz, « Abel Gance excommunie la guerre avec une logique et une vigueur qui ne se laissent pas entamer par l’idéologie. C’est un cri de révolte contre l’aveuglement des hommes qui se résignent trop aisément à de nouvelles tueries » (Le Temps, 12 février 1938); le film est bientôt interdit et ne ressortira (amputé) qu’en 1947.