René Navarre

René Navarre dans Ferragus, Mon-Ciné 8 Novembre 1923 Archivio In Penombra

Si je l’ai interviewé? Vous n’y pensez pas! Et comme on voit bien que vous ne le connaissez pas, pour émettre une supposition aussi saugrenue!

D’abord, Navarre n’est jamais là où l’on croit le trouver: toujours pris par mille occupations diverses, car il n’est pas seulement artiste, il est souvent metteur en scène, et il n’y a pas si longtemps qu’il dirigeait une firme. Il se trouve généralement au studio quand on se présente chez lui, et vient précisément de partir, quand on arrive au studio dans l’espoir de le joindre.

Ensuite, si, par miracle, on le rejoint, il n’a jamais le temps ; et si, par un autre miracle, il a quelques minutes à vous accorder, ce n’est pas pour parler de lui, c’est pour vous présenter quelque camarade moins favorisé que lui sous le rapport dela célébrité, ou pour vous dire

— Je n’intéresse pas vos lecteurs; et puis, on a rabâché tant de fois mon passé que cela n’amuse plus personne.

Et là-dessus, il disparaît,

Mais comme je sais bien que, contrairement à ce qu’il pense il intéresse beaucoup les fidèles de Mon Ciné, voici, succinctement résumée, sa Carrière déjà longue:

Il débute au théâtre, entraîné par une irrésistible vocation, à l’âge de 17 ans, et connaît tout de suite le succès. Puis, presque aussitôt, il abandonne la scène pour se consacrer exclusivement à l’écran qui l’intéresse bien davantage.

Entré chez Gaumont en 1910, il ne devait en sortir qu’à la mobilisation. Pendant cette période, il interpréta d’abord Le Trust, Les Braves gens, Le Destin des Mères. il fut ensuite successivement: Lespars dans Le Mort Vivant; le marquis de Flers dans La Prison sur le gouffre; Pierre Bianchi dans L’Heure de la Douleur; le policier Dervieux dans Le Proscrit ; Julien Marcœur dans Préméditation; Albano Rodriguez dans Le Pont sur l’Abîme; Georges Villa dans Apres la Tempête; Dalmas dans L’Homme de Proie; le docteur Robert dans Vie ou Mort; Jean Bernard dans La Course aux Millions; Isidore dans L’Intrigue; le marquis Montanis dans Erreur Tragique ; le policier Dervieux dans L’Oubliette; Jean Danglade dans La Hantise; Jean Marcieux dans Le Secret du Forçat; Davis dans La Petite Danseuse; Moreno dans Les Chasseurs de Lions; enfin il interpréta le rôle principal de l’Affranchi, La Gardienne du Feu, Les Pâques rouges, Le Calvaire.

Mais le nom de René Navarre évoque surtout le mémorable Fantômas, le premier des films en série, et la plus populaire de ses créations; ce fut Fantômas qui le lança.

Aussi quand, après deux ans de guerre, il fut réformé à la suite d’une dangereuse opération nécessitée par une maladie contractée au front, il résolut de voler de ses propres ailes; il créa sa marque et exécuta quelques films dont le plus connu fut La Nouvelle Aurore, dans lequel il interprétait le rôle du forçat Pallas.

Signes particuliers: N’a jamais le temps de vous répondre, a des yeux bleu-gris, aigus comme une pointe d’acier, dont l’expression réfrigérante vous glace au premier abord; puis on s’aperçoit qu’il est un homme exquis, à la conversation séduisante.

Jane Eyre

Charlot metteur en scène

Le premier film de Charlie Chaplin: Vies gâchées, qui sera bientôt présenté au public français par les soins des United Artists, a été donné récemment, en présentation privée por la presse, à Los Angeles. Cette œuvre impatiemment attendue a obtenu le plus magnifique succès et, pour ses débuts dans la mise en scène, Charlot, qui a fait fi de bien des vieilles traditions, s’est révélé aussi grand technicien qu’inimitable artiste.

Vies gachées, l’œuvre écrite et mise à l’écran par Charlie Chaplin, avait été primitivement intitulée: A Woman of Paris (Une Femme de Paris). C’est, en effet, un sujet français qu’a choisi le grand artiste américain. Ce sujet est simple:

C’est l’histoire d’une jeune provinciale française, qui, se croyant abandonnée par son fiancé, part à Paris et devient la maîtresse d’un richissime et joyeux célibataire qui mène la vie à grandes guides. Puis, un beau jour, elle rencontre son fiancé qui, devenu artiste, habite la capitale. La première idylle renaît…

Histoire simple, en effet, mais si magistralement et si humainement traitée qu’elle vous empoigne dès les premières scènes.

Et ce n’est pas un film fait simplement pour l’élite, mais une œuvre d’un intérêt universel. Il lui a fallu huit mois pour compléter cette production, où il a été employé 125.000 mètres de négatif. On aura, d’ailleurs, une idée de la conscience apportée par Charlie Chaplin dans la réalisation de son œuvre, lorsqu’on saura que certaines scènes furent tournées plus de cent fois.

Edna Purviance, qui tient le premier rôle, avait fait pressentir, dans les rares scènes où elle paraît dans le Kid, l’art consommé qu’elle déploie dans Vies gâchées. Un critique cinématographique du Los Angeles Times écrit :

“Si Charlie Chaplin fait encore plusieurs films de l’intensité de Vies gâchées, il aura fait pour l’écran ce qu’Ibsen a fait pour le théâtre, humanisé le septième art.

“Griffith, Lubisch sont les maîtres, je n’hésite pas cependant à mettre Chaplin à leur rang. Ne croyez pas que j’exagère, mais le roi comédiens s’est révélé encore plus grand metteur en scène qu’artiste. D’ailleurs, d’ici peu, le public m’aura donné raison.”

Nous avons, de notre côté, demandé à Charlie Chaplin pourquoi et comment il avait conçu Vies gâchées. Voici ce qu’il nous a répondu:

“Je n’ai transposé cette histoire à l’écran qu’afin de pouvoir exprimer la beauté de la vie, condenser ses minutes d’intense émotion et arriver à distraire le public. Après tout, que cherche-t-on dans la vie, si ce n’est la beauté: beauté de la joie, beauté des larmes! La beauté existe en tout, dans le bien comme dans le mal, mais seuls les artistes et les poètes savent l’y retrouver. Un tableau représentant un naufrage en mer, un autre Saint Georges et le dragon, nous semblent, quant au fond, terrifiants, mais nous transportent au point de vue dessin et architecture. L’analyse du sujet glace le cœur, le sens artistique illumine l’âme de beauté.

“Le but du cinéma est de nous transporter, du monde dans lequel nous vivons, dans le royaume de la beauté. Ce but ne peut être atteint qu’en cotoyant de très près la vérité. Plus nous sommes instruits, plus nous connaissons la vie, plus nous avons besoin de vérité. Pour distraire le public, il faut le convaincre de réalisme. Dans Vies gâchées, j’ai fait mon possible pour faire vivre mon histoire. Donner de la vie non seulement à des héros et à des traîtres, mais à des êtres humains, hommes et femmes, agissant avec toutes les passions que Dieu leur a données.

“Mon seul but a été: distraire le public, mais si un peu de morale s’est infiltrée dans mon roman, cette morale n’est là que pour prêcher à ceux qui ont été désillusionnés une meilleure compréhension et un peu de tolérance. Il est si facile de condamner! Si difficile de comprendre et de pardonner!

″Si j’insiste sur le point que la vérité a été mon guide dans ma dernière production, c’est que j’ai traité la composition et la technique de façon tout à fait différente de ce qui a été fait jusqu’ici.

″J’ai remarqué que, dans les moments d’émotion intense, les femmes, comme les hommes, essaient toujours de cacher leurs vrais sentiments plutôt que de les exprimer. C’est cette méthode que j’ai suivie, dans mon désir d’être aussi réaliste que possible.”

Le magnifique succès qui a déjà accueilli Vies gâchées, et qui se continuera, sans doute, en France, montrera à Charlie Chaplin qu’il ne s’est pas trompé.

Paris, 15 Janvier 1924

Femmine folli al Cinema Capranica

Roma, dicembre 1923

«L’uomo che odierete con tutte le vostre forze»: così la réclame presentava al pubblico romano il protagonista di questo super-film dell’«Universal». L’uomo che le donne hanno ammirato con tutte le loro forze, rispondo io dopo la presentazione di Stroheim nella veste del Conte Sergio, ufficiale russo corteggiatore… ed altro dette… femmine folli! Brutto ma espressivo, nel suo rigido ma elegante portamento, il Conte Sergio ha conquistato le simpatie del pubblico femminile che per ben sedici giorni ha affollato il simpatico ritrovo di Piazza Capranica. Fidatevi poi delle donne!

Questa constatazione spiega tutto: come un uomo losco, disonesto ma dalla parvenza di perfetto gentleman, possa conquistare il fragile e mutevole cuore delle donne. La figura del Conte Sergio — parliamo sopratutto di lui perché è il perno di questo film e non già le «femmine folli», come dal titolo può sembrare — è quella dei tanti viveurs per i quali ogni mezzo è buono pur di condurre una vita da grandi signori, e come tali sanno farsi ammirare dalle donne, ottenendo da esse amore e… danaro.

Il compito di questo Don Giovanni farabutto non sarebbe facile se egli non fosse coadiuvato nella sua impresa, e migliore aiuto non potrebbe trovare se non in due «femmine», che agli occhi del pubblico cosmopolita di Montecarlo appaiono come due blasonate cugine.

Spacciatore di monete false, egli conduce una vita sfarzosa che gli permette di accostare una signora americana, moglie di un diplomatico giunto a Montecarlo in missione. È la signora che, dopo il Conte Sergio, ha la parte predominante nel film.

Tutte le situazioni che potrebbero sembrare immorali, o per lo meno azzardate, sono condotte signorilmente; prova ne sia il fatto che questo film ha felicemente superato gli scogli irti della censura.

Il tipo saliente, caratteristico, di femmina folle è la cameriera del Conte Sergio, esaltata ed isterica, vittima incosciente del cinico suo padrone, l’amore verso il quale la spinge alla vendetta: all’incendio dell’appartamento, in un impeto di gelosia.

Non poteva esser riservata una lieta fine al protagonista, che, ebro di nuove avventure, vuol possedere e possiede la figlia del falsario suo socio. Ed egli muore ucciso dal suo compagno, e la sua tomba non poteva essere che quella degli animali più abietti.

Il valore massimo di questo film è nell’interpretazione di Stroheim, rivelatosi un attore gigante, nella sua ingrata e difficile parte. La messa in scena è encomiabile, e ben ricostruito Montecarlo. Non preoccupiamoci se effettivamente il film sia costato 30 milioni o meno.

Che dire della tecnica fotografica? Nessuna parola varrebbe ad illustrarla pienamente nella sua bellezza.

Per la cronaca diremo che anche il successo di «cassetta» è stato fantastico.