La Photographie mouvante et parlante du théâtre

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Timbre reproduisant l’affiche de François Flameng pour l’Exposition universelle de 1900

Paris 8 septembre 1900. Il y a à l’Exposition, vers le commencement de la Rue de Paris, du côté du pont des Invalides, un petit théâtre qui est très visité en ce moment et qui mérite le grand succès qu’il obtient auprès du public, parce qu’il constitue un réel progrès artistique, et parce qu’il aura dans l’avenir une valeur documentaire tout à fait considérable c’est le joli théâtre qu’a fondé Mme Vrignault le Phono-Cïnéma-Théâtre.

Le nom en est peut-être un peu trop compliqué, mais il exprime cependant très nettement l’idée de la fondatrice, puisqu’il emploie tout à la fois les derniers perfectionnements du phonographe et le cinématographe. C’est au moyen de ces deux appareils si curieux que Mme Vrignault a réussi à reconstituer, en des visions animées, la vie et le jeu de nos plus grands artistes, dans le charme de leur physionomie, dans leurs mouvements, dans leur voix. La réussite de cette tentative si originale dépasse tout ce que l’on peut en dire.

Aussi les artistes eux-mêmes vont-ils, après avoir gracieusement posé devant les appareils du Phono-Cinéma-Théâtre, se revoir, s’entendre, et, ce qui est agréable aussi, s’entendre applaudir comme s’ils jouaient eux-mêmes devant leur public.

Sarah Bernhardt, par exemple, a été admirablement saisie dans la fameuse scène du duel d’Hamlét, et la reconstitution de cette scène est une merveille d’art en même temps qu’un chef-d’œuvre d’exactitude.

Réjane joue, dans Ma Cousine et dans Madame Sans-Gêne, avec un tel esprit que le spectateur se croirait transporté au Vaudeville.

Mlle Rosita Mauri, dans le pas de la Sabotière, est exquise de vérité Mlle Zambelli n’est pas moins gracieuse dans le ballet du Cid Reichenberg, Mily Meyer, Félicia Mallet, Cléo de Mérode, Victor Maurel, Mariette Sully, Mlle Jeanne Chasles, de Féraudy, Mlles Mante, Violat, Polin, Jules Moy, le clown Footitt et Chocolat dans une scène inénarrable, etc., etc., tous les artistes en renom, passent sous nos yeux étonnés et émerveillés et cette revue, qui fait la joie des parents comme des enfants, puisqu’elle est de bon ton, soigneusement composée dans son répertoire, constitue chaque soir l’un des plus grands attraits de la Rue de Paris. Coquelin, l’immortel Cyrano, termine cette revue avec les Précieuses ridicules, et sa voix sonore et splendide ne s’éteint que sous les applaudissements. comme à la Porte-Saint-Martin Et tout cela
pour un franc, dans la salle la plus élégante de l’Exposition!

Le Phono-Cinéma-Théâtre constitue donc, en même temps qu’une ravissante distraction que tous les salons voudront avoir cet hiver, un immense progrès scientifique, et grâce à lui voici les choses les plus fugitives et les plus charmantes de la scène fixées à tout jamais dans l’avenir, pour le plus grand plaisir et pour la plus grande instruction de tous, grands et petits.

G. Davenay.

Le Figaro, 8 septembre 1900 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k285257p/f3.image

Cinémathèque Française: Le répertoire reconstitué du Phono-Cinéma-Théâtre