Asta Nielsen dans Hamlet

Paris, décembre 1923

Où vient de présenter Hamlet (1er décembre 1923, à 10 heures Ciné Max-Linder) non selon la tradition shakespearienne, mais d’après la légende historique telle que la conta, il y a des siècles, l’historien danois Saxo Grammatiens (1).

C’est à lui que l’a empruntée le célèbre conteur Belleforest en publiant sa collection de Nouvelles en sept volumes, qui parut en 1564.

De cette collection fut traduite en anglais l’histoire d’Hamlet, dont s’est inspiré Shakespeare.

Dans la littérature du monde, il ne peut probablement pas être trouvé un caractère plus fascinant et plus attachant qu’Hamlet, le chef-d’œuvre de Shakespeare.

Ce caractère remarquable exerce une attraction sur les jeunes gens et sur tout le monde; attraction profonde en raison de l’incompréhensible nature de l’homme.

Un terrible mystère plane sur Hamlet.

Personne n’a encore été capable d’expliquer quels motifs et quelles émotions conduisaient ce mélange humain et étrange de passion et d’indifférence, de colère et d’irrésolution.

Est-ce qu’Hamlet était fou, comme on l’a dit?

Etait-ce un esprit concentré, cachant derrière une apparente folie une volonté profonde et violente de venger le meurtre de son père?

Etait-il si fatigué de la vie que ses paroles bizarres et étranges comme ses actions, ne montraient que mépris pour l’opinion des autres?

Depuis des siècles, les savants ne sont jamais tombés d’accord sur Hamlet et le sens de cette légende.

Même les plus grands poètes ont discuté la vie d’Hamlet.

Voltaire considère les pièces de Shakespeare comme un mélange maladroit de caprices et de non-sens.

Herder, le philosophe réputé, tient la manière d’Hamlet pour de l’affectation.

Même Gœthe a impitoyablement rejeté la valeur aujourd’hui incontestée du drame d’Hamlet.

Le professeur Edward P. Vining, savant américain qui a étudié Shakespeare, a donné une théorie originale de la faiblesse sauvage d’Hamlet. Dans son ouvrage érudit Le Mystère d’Hamlet, il émet l’hypothèse. qu’Hamlet était une femme. Et le docteur Vining appuie largement sa thèse sur les propres écrits de Shakespeare.

Cette explication audacieuse du caractère d’Hamlet est, en partie, la base du film présenté. La situation est extraordinaire: Une princesse forcée pour raison d’Etat à prendre l’aspect d’un prince, est soudainement mise en face d’événements que, seul, un homme de forte volonté et plein de confiance en lui pourrait surmonter.

Nous sommes ainsi reportés à l’ancienne légende d’Hamlet où Shakespeare puise la première conception de son immortelle tragédie.

Il est certain aussi que Shakespeare trouva nécessaire de changer quelques-uns des épisodes de l’ancienne histoire pour l’adapter au théâtre.

Dans cette version, nous avons suivi de plus près la version originale, et le malheureux prince est montré sous un jour nouveau et intéressant, souvent identique à la version shakespearienne et souvent différent.

Le prince danois, incarné d’une manière réaliste par Asta Nielsen, émeut d’une rare manière le cœur humain.

Sa manière d’interpréter le rôle le rend toujours tragique et donne l’impression profonde des douleurs et des souffrances que peut subir une âme noble.

Asta Nielsen est entourée d’un admirable groupe d’artistes, formant un ensemble qui, au point de vue de la perfection, a rarement été aussi bien atteint au cinéma.

En quelques lignes, résumons le sujet de ce beau drame tel qu’il a été réalisé cinématographiquement d’après la légende historique de Saxo Grammatiens.

On verra combien il diffère du drame si remarquablement interprété jadis à la Comédie-Française par Mounet-Sully ; si prodigieusement chanté, à l’Opéra, par Faure.

Au cours de la bataille engagée entre les armées danoise et suédoise, le roi de Suède fut tué, et son adversaire, le père d’Hamlet, grièvement blessé.

C’est durant cette campagne que la reine Gertrude de Danemark mit au monde une princesse.

Croyant la blessure du roi mortelle, afin de garder la couronne, la reine fit annoncer au peuple la naissance d’un prince.

En l’absence du roi, la reine Gertrude s’était laissé courtiser par son beau-frère Claudius. Les deux amants résolurent de se débarrasser du roi, et chargèrent de l’exécution du crime le lord chambellan Polonius.

Afin que le prince Hamlet ne put être un obstacle à leurs coupables desseins, il fut envoyé à l’Université de Wittemberg.

Le prince Hamlet apprit par des serviteurs que son père avait été emprisonné sur l’ordre de son oncle Claudius qui s’était emparé de la couronne et avait épousé sa mère.

Ayant la certitude que ce dernier était le coupable, le prince simula la folie pour mieux surveiller ses faits et gestes.

Il engagea une troupe de comédiens et leur fit jouer devant la Cour une scène reconstituant le meurtre de son père.

Le trouble que le roi et la reine exprimèrent durant la représentation, confirma Hamlet dans son opinion; il résolut de tuer le roi son oncle. Mais ce dernier lui fit quitter le château et l’envoya, accompagné de deux serviteurs, au roi Fortinbras dans l’espoir de le faire emprisonner.

Contrairement aux prévisions de Claudius, le roi Fortinbras traita Hamlet en souverain et lui offrit son armée pour arracher le Danemark des mains de l’usurpateur.

L’armée suédoise se mit en route, guidée par Hamlet, et campa aux abords d’Elseneur.

Pendant la nuit, Hamlet se rendit au Palais et trouva le roi Claudius et ses courtisans se livrant à des orgies dans une tour du château. Profitant de l’ivresse générale, il mit le feu à la tour dans laquelle Claudius périt.

La reine, craignant la colère de son fils, résolut sa mort.

Elle le fit provoquer en duel-par Laertes, le frère d’Ophélie qui meurt de chagrin de se voir délaissée par Hamlet.

Le duel eut lieu avec des épées empoisonnées. Hamlet fut blessé mortellement devant la reine qui, ayant par mégarde absorbé un poison, s’écroula sur le trône.

A ce moment arriva, mais trop tard, le roi Fortinbras, qui fit rendre les honneurs funèbres au malheureux prince Hamlet.

Asta Nielsén, l’incomparable artiste danoise, s’est surpassée dans ce rôle magnifque. Elle est l’inoubliable interprète du film, dont le jeu, unique en son genre, s’adapte admirablement aux lois optiques de l’art cinématographique.

Tous les autres rôles tenus à côté d’elle sont interprétés avec talent et la mise en scène se fait remarquer par la richesse, la somptuosité de ses reconstitutions d’une époque si lointaine qu’elle semble faire plus partie de la légende que de l’histoire.

Pour nous résumer, c’est un très beau film, qui aura un gros succès.

V. Guillaume-Danvers

  1. Saxo Grammaticus

Un altro bilancio passivo!

Torino, dicembre 1923

L’anno cinematografico non si può ridurre semplicemente ad un bilancio contabile, nè bastano cifre o fatti a darne con sicura scienza la situazione complessiva da cui dedurre la sincera situazione. Il bilancio matematico — e materiale — va illustrato da copia di considerazioni, apparentemente estranee in parte, ma tali da influire in modo efficace sull’arida valutazione dei fatti specifici.

Tuttavia la comparazione del dare e dell’avere è sommamente istruttiva, specie per quanto riguarda il passato, e permette di ritrarne considerazioni — amare purtroppo! — sull’andamento generale della nostra industria, sempre tanto decantata e blandita a parole, e tanto bistrattata, accanitamente colpita nei fatti.

Sembra che una fatalità incomba sulle cose del cinematografo italiano: fatalità che persegue ostinata, dopo il bluf fantasmagorico, mirabolante dei primi tempi di pace. Fatalità che — ironia somma — si diverte a lasciar intravvedere un lembo di cielo azzurro, rinfocolando speranze e chimere, per poi ripiombare tutto nel più buio limbo di un’apatica abulia distruggitrice.

Anche quest’anno, come l’anno passato, come il precedente, il bilancio è in completo stato di fallimento: al passivo… tutto; all’attivo… nulla, 0 quasi. Condizione spaventosa, impressionante, tale da togliere coraggio a proseguire, da condurre alla disperazione più nera. Teatri chiusi, le Case sparite o ridotte a larve nominali, a simulacri reggentisi per lustra e per dar modo a qualcuno di aggrapparvisi peggio dell’ostrica allo scoglio, coll’unico scopo di conservare la fonte perenne di scialacquio, pozzo di S. Patrizio inesausto per le fauci insaziate, a tutte spese dei gonzi e di Pantalone.

Del resto uno sfacelo generale, giunto a tal grado di ruina a traverso la serie di colpe ed errori che non vogliamo oggi rinvangare per la centesima volta!

Tutto questo mentre le sale di proiezione rigurgitano di spettatori, mentre in ogni buco sperduto delle campagne e sulle punte apriche dei monti si moltiplicano i cinematografi: quando giornali quotidiani di indiscusso valore impostano una loro campagna di propaganda pel teatro drammatico, basandosi sulla pletora di pubblico che il cinema attira a detrimento del palcoscenico, e dando così prova lampante del crescente entusiasmo popolare per lo schermo.

E non si venga a sostenere che il popolo, la massa, ha preferenza per le pellicole americane e sdegna le nazionali. Non è vero.

Anzitutto il pubblico se ne infischia e non ha preconcetti: la parola è forse cruda, ma risponde perfettamente a verità. Esso prende ciò che gli danno, senza incaricarsi della provenienza, approvando ciò che gli piace, discutendo quanto non è di suo gusto.

Tutt’al più, anzi, si potrebbe dire che accetta la produzione straniera (straniera in genere, di qualunque luogo) perchè non gli servono di quella italiana, ma, di due lavori d’ugual pregio, preferisce il nostro per quell’innegabile spirito di nazionalismo che da un poco in qua va facendosi strada nella mente del nostro popolo, e perché le sue tendenze lo portano ad amar meglio il genere nostro che non quello altrui. Ne è prova il fatto che una pellicola nostra tiene il cartellone tanto e forse più di una straniera, purché sia buona e sia presentata colla stessa dovizia di pubblicità, colla stessa cornice preparatoria.

Nè è meno assurda l’affermazione accampata con superba sicumera d’una antipatia dell’estero pei nostri lavori. Non ci ripeteremo neppur qui, citando tutte le richieste di produzione italiana che ci sono ripetutamente pervenute — e che noi abbiamo sempre reso di pubblica ragione — da ogni luogo del mondo, compresa la Francia, nostra dolce sorella sprezzante, e compresa l’Australia, chiusa a tutte le importazioni cinematografiche, compresa quella inglese.

Noi non abbiamo — e probabilmente non avremo mai, per ragioni facili a comprendere — i mezzi strepitosi degli anglo-sassoni di qua e di là dell’Atlantico: non possiamo buttare milioni di lire a palate per la costruzione di un film; non possediamo quel senso del kolossal che distingue i produttori germanici e li fa inscenare strepitosi soggetti di mole formidabile. Ma abbiamo, insito in noi, un senso estetico ed artistico al quale gli altri aspirano senza raggiungerlo mai; abbiamo l’arte innata ereditata dai lunghi secoli gloriosi della nostra civiltà mondiale; abbiamo cielo e sfondi e paesaggi che le più belle contrade forestiere si lasciano addietro per lunga pezza.

E i popoli stranieri amano i nostri lavori, e gli impresari li ricercano insistentemente.

… Eppure non si vende…

Infatti: si vende poco. Solo quello che vale in sé: e solo quello che il produttore sa vendere. Finchè si aspetterà che il compratore accorra a richiedere come una grazia speciale di farsi strozzare allegramente dal fabbricante italiano; finché si rimarrà inerti lasciando allo… stellone di buona memoria il compito di espandere le nostre pellicole; finché si tratteranno i compratori d’oltre Alpe e d’oltre Oceano quali esseri inferiori, indegni che i Padreterni della nostra cinematografia si abbassino a ricercarli, i nostri films rimarranno circoscritti alle poche sale italiane e non varcheranno né monti né mare.

Occorre andar sul posto, portare a ciascuno, selezionato, quanto è più di suo gusto, far visionare, allettare il cliente, rendergli facile conoscenza e acquisto dei lavori. L’unico trust che avrebbe ragione di esistere sarebbe appunto un’unione fra i vari produttori, per l’impianto di una moderna organizzazione di vendita, che avesse branchie e tentacoli in ogni dove, e che avesse il coraggio e la forza (i capitali non mancano!) di aprire all’estero cinematografi esclusivamente italiani, per invogliare il pubblico e costringere noleggiatori e acquisitori a fornirsi in Italia.

Un cinema a New-York, uno a Londra, a Barcellona, a Berlino, a Buenos Aires, a Parigi, a Vienna: in qualunque città di grande commercio, non potrebbe che essere redditizio e foriero di vantaggi alla nostra produzione nazionale, assai più certamente che non i pochi locali più o meno grandiosi che oggi
si… trusteggiano senza risultati per l’industria.

È vero che per far ciò occorre sapersi staccare dalla gretteria delle concezioni commerciali e industriali fin qui seguite, e occorre impiantare tutt’una organizzazione costosa, mirando ad un guadagno futuro e complessivo, non al piccolo ma immediato e irrisorio rimpinzamento di portafogli, con interesse particolaristico ed egoistico.

I cinematografisti che, sapendo guardare più in là del proprio naso, hanno capito la vera situazione del mercato internazionale e sanno adattarsi ad essa ed agire di conseguenza, vendono e vendono bene. Ma son pochi e le dita di una mano son troppe per numerarli! E i lavori che questi producono, buoni innegabilmente e lontani ben dalle meschine porcheriole cui i Padreterni ci avevano — ahimè — assuefatti, non hanno poi nulla di straordinario o così superlativamente sublime da imporsi come curiosità uniche al mondo.

Qualunque Casa, in Italia, potrebbe lavorare così, e qualunque potrebbe come questi vendere, sol che volesse. Non ci sono inscenatori, da noi? Crediamo che i nostri nulla abbiano da invidiare agli stranieri, per coltura, senso artistico e pratica tecnica: mancano piuttosto di mezzi. Dai teatri che — costosissimi e grandi di spazio — non sono attrezzati, alla luce deficiente; dalle macchine al materiale impressionabile e ai bagni di sviluppo; insomma essi sono vittime delle incomprensibili gretterie dei proprietari, i quali lesinano i mezzi necessari per buttare invece centinaia di biglietti da mille in spese inutili, senza scopo. E son vittime del divismo, sostenuto dai proprietari stessi che a parole lo deprecano, e son vittime di tutto un sistema sbagliato e deleterio.

Ad ogni modo, qualora in qualcosa i nostri direttori artistici difettassero, facile sarebbe richiamarne qualcuno dal di fuori, che, coll’esempio pratico, correggesse i difetti. Se n’è parlato, ripetutamente. Ma la cosa è rimasta allo stato di progetto. Come allo stato di progetto è tutta la strombazzata reiterata promessa di una ripresa imminente, d’una imminenza che si trascina di mese in mese da un anno!!!

Quando non si sa più che cosa eccepire, si annunzia che le Banche non danno più i capitali per la lavorazione. È naturale! Dopo le . . . scottature avute! E dopo che, anche dopo scottate, hanno continuato a dare e dare a fondo perduto.

Non sono le Banche, del resto, che devono fornire i capitali. Sono i privati cittadini, come avviene per qualunque altra industria di qualunque genere. Ma è logico che questi privati non arrischino un soldo per affidarlo a chi già sanno li farà sparire nel mare magnum della voragine abituale, dove già sparirono centinaia di milioni.

Cambiare uomini, occorre, e allontanare quelli che soffrono d’una tabe organica ormai troppo nota: e cambiare sistemi.

Solo così potremo ritornare a far fiorire questa industria che è stata e fatalmente dovrà essere ancora vanto italiano; giacché, ad onta di tutto, noi siamo certi, persuasi, che il primato cinematografico dovrà tornare a noi ineluttabilmente, quando avremo mutato metodi e persone.

Ed è questa la conclusione finale di tutte le amare constatazioni, e le presunzioni che dal bilancio di quest’anno noi vegliamo ritrarre per l’avvenire.

Per oggi… zero, passivo completo. Quel pochissimo di attivo… lo serberemo qual fondo per l’anno venturo, sperando che finalmente il 1924 voglia aprire gli occhi agli addormentati, e… chiuderli definitivamente ai troppo svegli!

Con tale speranza porgiamo ai cinematografisti tutti, ai collaboratori, ai lettori, gli auguri più cordiali per l’anno nuovo.

Pêcheur d’Islande Films Radia 1924

Quoi qu’il advienne du film que le public va juger, son réalisateur a à cœur d’affirmer qu’il a conçu et poursuivi son entreprise dans un sentiment de dévotion littéraire. Car il n’est pas vrai de dire que le cinéma exclut la littérature. N’avons-nous pas, pour notre part, tenté, avec le même respect, l’interprétation cinématographique de la pensée de Balzac, de Zola et, précisément, de Pierre Loti, qui daigna approuver notre version cinégraphiée de Ramuntcho.

Mais le chef-d’œuvre de Pierre Loti est incontestablement Pécheur d’Islande, et ce livre, entre tous, devait nous attirer. N’est-il pas unique, non seulement dans l’œuvre de l’écrivain, mais dans la littérature de tous les pays? En connaît-on quelque autre où la sensibilité humaine se soit exprimée avec une simplicité plus poignante devant les monstrueuses et inexorables forces de la nature? Yann Gaos, c’est Pierre Loti lui-même, mais c’est vous aussi et nous tous, c’est l’humanité, la faible humanité soumise aux oscillations du sentiment et à la suprême loi du destin.

Cette conception du livre, qui, selon nous, s’impose dès qu’on en pénètre le sens, explique du même coup pourquoi Pierre Loti a voulu le situer en Bretagne et à Paimpol. Là, en effet, l’âme celte renouvelle chaque année, avec une obstination paisible et douce — à peine rêveuse — le geste du sacrifice conscient et résigné. Et ce geste aussi est auguste. Il faut qu’on sème de l’héroïsme. L’homme sera-t-il encore l’homme quand il n’y aura plus, pour labourer d’une étrave facile le champ mouvant des océans, ces fils de la terre qui se savent promis aux gouffres marins et qui les affrontent sans peur?

Inscrit au mur des disparus du cimetière de Ploubazlanec, le martyrologe des pêcheurs bretons “péris à Islande” s’allonge sans cesse. La race, dont était Yann Gaos, ne tarira pas de si tôt. Pierre Loti lui a élevé un impérissable monument. Nous n’avons prétendu qu’à l’honneur d’en transposer la magnificence symbolique dans le rythme visuel, si puissamment évocateur, de l’image animée. C’est donc en Bretagne, à Paimpol, en suivant pas à pas Pierre Loti, que nous avons tenté de restituer à la vie — ou plus exactement de situer dans l’exacte réalité de la vie — les personnages qu’il avait vus et décrits. Mais, comme il avait vus et décrits jusqu’à l’âme, nous avons tenté, à notre tour, d’exprimer leur âme, en utilisant les ressources d’expression déjà éloquentes et émouvantes que nous offre un art neuf, auquel il faudra que l’on s’accoutume à reconnaître le don de l’analyse psychologique, aussi bien qu’un don de matérialisation perpétuelle, un véritable don de survie par delà l’espace et le temps.

Enfin notre recherche d’une sincérité complète dans l’effort nous a conduits à vouloir vivre, nous-mêmes, la rude vie des pêcheurs de morue, loin des côtes de Bretagne, à bord d’une goélette islandaise, frétée tout exprès par nos soins. Ainsi, nous avons pu surprendre, en pleine bourrasque aveuglante et cinglante ou dans l’hallucinant linceul des brumes, Yann Gaos, tantôt songeant à Gaud, la douce Paimpolaise, et tantôt écoutant — avec le même sourire pensif — son autre fiancée, la mer, qui l’appelle et à laquelle — il le sait bien — rien ne pourra l’arracher, pas même le pur et tendre amour, ni le désespoir et les prières de Gaud, sa femme, demain sa veuve, parmi tant d’autres veuves à Paimpol.

Ainsi, nous pensons avoir mis au service de la gloire de Pierre Loti un élément nouveau, une forme nouvelle d’épanouissement et de rayonnement de la pensée humaine. Il est infiniment souhaitable, et nous souhaitons tout le premier, que l’écran bientôt traduise, par sa prodigieuse éloquence, ses propres conceptions de la vie ou du rêve. En attendant, nous avons conscience, non point de l’abaisser
à un rôle subalterne et humiliant, mais de le hausser dans ses desseins et ses entreprises, quand nous l’employons à raviver, pour les rendre accessibles à toutes les âmes, les beautés et l’émotion encloses aux pages déjà jaunies d’un livre immortel.

Jacques de Baroncelli