
Paris, Septembre 1926
Quel est l’agent de publicité américain qui poursuit Rudolph Valentino jusqu’au delà du tombeau? On ne nous pas épargné les détails macabres à propos de ses obsèques, et tous les codicilles de son testament ont été livrés au public. Que va-t-on nous raconter maintenant? Tous ces détails, ridicules ou odieux , ne vont guère avec l’artiste, qui, dans la vie, était la simplicité même. Naturellement, il tenait compte des mœurs américaines, et il savait que la renommée s’entretient à coup de tam-tams; mais, dans le privé, il était un garçon plein de mesure. Je l’ai bien connu. Il ne passait pas par Paris sans qu’il me donnât l’occasion de le rencontrer, et il m’apparut, chaque fois, plus passionné pour son art, plus désireux d’en pénétrer les secrets, et cela en dehors de toute réclame.
Il était moins séduisant à la ville qu’à l’écran, qui l’embellissait beaucoup. J’en eus la preuve lors de notre premier entretien, qui eut lieu dans le hall d’un hôtel des Champs-Elysées. Valentino avait été séduit par un roman que nous avions écrit sur l’émigration russe, et il désirait jouer le rôle du grand-duc Niky, supreme espoir des réfugiés tsaristes. Nous parlions de ce projet, au milieu de gens qui traversaient la salle; aucun ne se retournait sur lui. C’était cependant un beau garçon, mâle et souple; mais il lui fallait, pour le faire valoir, l’éclat de la lampe merveilleuse; alors, il devenait irrésistible.
Il était un très curieux produit de l’émigration. Il aimait les États-Unis pour la facilité de travail qu’on y trouvait, pour la réussite qu’il avait obtenue, pour les succès et les dollars qu’il y gagnait, mais il était resté foncièrement latin, c’est-à-dire fin psychologue, mesuré, épris de belles lignes. Il goûtait l’harmonie d’un raisonnement juste comme celui d’un corps impeccable. Il avait le sens et le culte de la beauté. Il l’a prouvé dans la réalisation de Monsieur Beaucaire, dont le scénario est dû au plus subtil des amateurs de Paris et de l’esprit français, à l’Américain Forrest Halsey.
Ce Don Juan, recherché, pourchassé par les femmes les plus séduisantes dans les deux mondes et dans tous les mondes; ce séducteur international qui courut après le bonheur, s’arrachait à toutes les passions pour reprendre sa place, presque chaque année, à l’humble foyer familial.
Il aimait ses amis et je me souviens, au cours d’un déjeuner, avec quelle délicatesse anxieuse il s’enquit de la mort de Max Linder. Le drame qui planait sur le décès de l’artiste français lui causait une véritable stupeur. Il voulut en connaître toutes les étapes, comme si la mort, par son éternel mystère, l’eût attiré. Il parla de la disparition de Wallace Reid et cita d’autres artistes enlevés jeunes, en plein talent. Et je n’oublierai jamais cette insistance, ce désir de d’entretenir entre amis de sujets aussi désespérés, aussi pesants de méditation. Quand il se tut, il se fit un lourd silence autour de lui, et il nous fixait tous avec des regards lucides et tranquilles. Avait-il alors quelque secret pressentiment? Voyait-il au-dessus de sa tête se projeter l’ombre d’une grande aile noire? Qui sait? Qui sait?
Jean Vignaud
Come sempre un pezzo bellissimo e molto interessante, che mette a fuoco la semplicità dell’attore, che si animava acquistando il suo enorme fascino solo sullo schermo, come viene benissimo detto descrivendo l’incontro nella hall dell’albergo parigino attraversata da molte persone che non si erano neppure accorte di lui. Grazie!
Valentino amava la macchina da presa e la macchina da presa amava lui. Magie del cinema! Grazie a te, come sempre.