
Jacques Feyder va porter à l’écran la nouvelle œuvre de Pierre Benoît: le Roi lépreux. Il tournera en Indochine et aux ruines d’Angkor, et le metteur en scène s’est embarqué le 30 décembre pour l’Extrême-Orient, afin d’étudier sur place les possibilités de réalisation. Et, sans doute, nous reverrons Jacques Feyder avec le casque colonial, qu’il portait déjà lorsqu’il tourna l’Atlantide aux confins du Sahara.
Dans les scènes finales de la tragédie cinégraphique de Roger Lion, les Fiançailles rouges, un des héros du film doit se porter au secours d’un de ses camarades par une mer absolument démontée. Le réalisateur exigea que cette scène ne fût pas truquée, mais ceci n’alla pas sans inconvénients. Le rôle était tenu par Jean Murat. Celui-ci, qui est un nageur émérite, faillit cependant y trouver une fin tragique, car la mer était tellement houleuse qu’à plusieurs reprises le sympathique artiste disparut pendant de longues minutes de la vue des opérateurs. Roger Lion déclara enchanté, car le réalisme de sa scène était des plus exacts. C’est, d’ailleurs, un des passages les plus émouvants de sa dernière production.
Le travail du studio n’empêche pas nos cinéastes d’avoir l’esprit caustique. Un jour, comme Jacques de Baroncelli priait son aimable collaborateur Gys d’aller réclamer au régisseur un « homme de barre » pour relever le matelot de service sur la passerelle du torpilleur Cavalier… Milva, l’assistant, ajouta cette utile recommandation: « Spécifiez bien qu’il ne s’agit pas d’un barman! »
C’était pendant la réalisation de la Femme nue. Léonce Perret, qui n’est pas seulement un grand réalisateur, mais un peintre de talent, s’était amusé, pendant les rares instants de repos, à peindre les magnifiques paysages qui s’offraient à ses yeux. L’œuvre terminée, sur la demande de ses collaborateurs, elle fut mise aux enchères au cours d’une soirée de bienfaisance organisée au Négresco. Elle atteignit le prix de 12.000 francs, que Perret s’empressa de verser aux bonnes œuvres du pays.
Au studio de Joinville, André Hugon a comencé à tourner le film qu’il a tiré du célèbre roman de José Germain et Guérinon: A l’Ombre des Tombeaux. La distribution comprend: Régina Thomas, dans le rôle de Djahila; Georges Melchior, dans celui de Darsac; Camille Bert, le major Hoburg; Mme. Lenoir, rôle de Noudra. Grâce à des accords spéciaux, Bernhard Loetzke viendra à Paris pour interpréter le rôle de Nikil.
André Roanne tourne actuellement au studio des Cigognes les intérieurs de Vite, embrassez-moi, une comédie dont il sera le principal protagoniste. On verra, dans ce film, le plus long baiser d’écran qui ait jamais été échange. Il mesure plusieurs dizaines de mètres en premier plan. Voilà une scène qui risquera fort d’être coupée par la censure japonaise, impitoyable sur le chapitre des baisers…
Nous avons peu d’artistes cinématographiques en France, parce que nous ne cherchons pas. C’est ainsi qu’on s’aperçoit, lors des débuts d’un acteur dans un rôle, qu’on aurait pu, maintes fois, faire appel à ses qualités et à ses dons. Mme. Charles Dullin abordait, pour la première fois, le studio dans le Joueur d’échecs. Elle a animé le personnage de l’impératrice de Russie, la grande Catherine II, au caractère étrange, fantasque et puissamment énergique, avec une autorité, une vérité et un talent qui ont fait l’admiration de tous. Mme. Charles Dullin, espérons-le, n’en restera pas là.
Au moment où le Joueur d’échecs va être présenté au public, il nous a paru véritablement utile de mentionner le nom de Mlle. Lily Jumel, que certains de nos confrères ont paru oublier. Mlle. Lily Jumel fut l’assistante, pour la partie artistique, de Raymond Bernard. Collaboratrice de la première heure, elle sut réunir autant de goût que d’intelligence tous les documents concernant les costumes, les décors, les coiffures et le mobilier. M. Raymond Bernard ne tarit pas d’éloges sur le travail de Mlle. Lilly Jumel. Du reste, Mlle. Jumel n’en est pas à son coup d’essai. Elle a l’habitude de jouer la difficulté. Ne débuta-t-elle pas dans la mise en scène côtés d’Henry Roussell, pour la réalisation de Destinée? Le Joueur d’échecs achève de la classer parmi nos meilleures assistantes et elle n’en restera pas là.
Miss Edna Purviance, la célèbre partenaire de Charlie Chaplin est actuellement en France. Elle est venue chez nous pour tenir le rôle de la reine Silistrie dans Education de Prince, que réalise Diamant-Berger pour Aubert. La charmante star se déclare enchantée de tourner chez nous. Lorsque les extérieurs seront terminés, elle séjournera à Paris pour réaliser les intérieurs en studio.
Dolly Davis a commencé à tourner les intérieurs du film la Petite Chocolatière, sous la direction de René Hervil. Ce personnage conviendra particulièrement à la créatrice de tant de rôles charmants, qui personnifie si bien à l’écran la grâce et l’élégance parisiennes.
Marco de Gastyne, qui tourne Mon cœur au ralenti, d’après le roman de Dekobra, se désolait de ne pouvoir trouver un artiste dont le type s’adaptât exactement au personnage de Collins, le détective privé de l’héroïne du film, Mrs Turner. Il se souvint, heureusement, que le metteur en scène anglais Leroy Granville, le réalisateur de Lady Harrington, réunissait au plus haut point les qualités cherchées. Et, sur la demande de son confrère français, Leroy Granville, avec la meilleure grâce du monde, abandonna, pour un moment, le montage de son dernier film et campa de main de maître, si l’on peut dire, la silhouette d’un Collins criant de réalisme et de vérité.